La « décision » de Nicolas Sarkozy de faire parrainer par des CM2 chaque enfant juif de France victime de la Shoah a subi le lot commun des grandes trouvailles du président : elle a été enterrée.
Interrogée par les journalistes à l’issue de la réunion de la « mission » créée pour la mettre en forme, sa présidente Hélène Waysbord-Loing a tout bonnement répondu : « Il n'en a pas été question ce matin. » Elle a ajouté : « Il ne faut pas faire de la commémoration, du rituel, parce que l'école n'est pas le lieu de cela. L'école est le lieu où l'on construit un savoir, où l'on apprend aux élèves à rechercher, à enquêter. »
La mission fera des propositions d’ici deux mois. « Il n'y a rien de très précis de décidé, mais la volonté de tous d'arriver à améliorer ce qui est déjà très bien fait par les professeurs », a dit Simone Veil.
La réaction de Marine Le Pen
Interrogée par l’AFP à son arrivée au salon de l’agriculture, Marine Le Pen a répondu : « La maman de jeunes enfants de bientôt 10 et 9 ans se réjouit de cette décision. Je regrette que Nicolas Sarkozy lance des idées dont plusieurs sont éminemment néfastes, sans aucune concertation, en écoutant des conseillers qui n'ont aucune qualité particulière, comme Mme Mignon, en créant une espèce de sentiment anxiogène. J'espère qu'il en tirera des conséquences et cessera ce comportement impulsif et négatif. »
Elle a suggéré qu’en revanche « chaque classe de CM2 parraine un héros de l'histoire de France, qu'il soit célèbre ou anonyme », afin de « recréer une fierté à l'égard de la France ». Il pourrait s'agir de « héros connus ou inconnus comme les Justes », a-t-elle précisé.
Alors qu'on lui demandait s'il fallait améliorer le travail de mémoire sur la Shoah (ce qui reste l’objectif de la mission), elle a mis en garde contre « une compétition entre les mémoires, au moment où il faut appuyer plus sur ce qui nous unit ».
Addendum
Dans la soirée, l’Elysée et le gouvernement tentaient de brouiller les pistes et de faire croire que l’affaire se déroulait conformément à ce qu’avait décidé Sarkozy...
Dans un communiqué, Xavier Darcos affirmait de nouveau que le travail sur la Shoah en CM2 « s’appuiera sur l’histoire et l’exemple particulier, étudié en classe, de chacun des 11.400 enfants juifs de France morts en déportation » ; il soulignait sur RTL que « l’appropriation » de la mémoire d’un enfant se ferait « dans le contexte d’une classe, et non pas d’un élève séparé qui devrait porter seul la mémoire d’un enfant particulier victime de la Shoah ». Il ne craignait pas d’ajouter : « Je ne crois pas que le président de la République ait pensé autre chose depuis le début ». Alors c’est que Nicolas Sarkozy s’exprime très mal. Car l’interprétation obvie de son discours est qu’il s’agissait de chaque enfant.
Le communiqué de l’Elysée était quant à lui nettement moins catégorique : « Le président de la République se réjouit de l’issue très positive de la rencontre organisée ce matin (...) Il constate qu’après les polémiques (...) la nécessité de transmettre la mémoire de la Shoah aux jeunes générations fait l’objet d’un consensus très largement partagé. »
C’est une confirmation que l’affaire est enterrée, mais soigneusement masquée par le baroud d’honneur du bon grognard Darcos.
Lequel est tout de même un fieffé hypocrite. Car dans la lettre de mission qu’il a remise à la présidente du groupe de réflexion, il n’est pas question une seconde du parrainage d’un enfant de la Shoah , ni par un élève, ni par une classe...